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Toulouse, Haute-Garonne, France

mardi 3 avril 2007

Panem et circenses

Excellente question, comme toujours, de Véro!

Chacune de ces deux questions mérite un livre de cuisine à elle seule (et elle en a déjà à plusieurs reprises fait l'objet), je ne ferai donc qu'un petit topo rapide sur le sujet...

Le

PAIN

... donc.

Soyons honnête, tout dépend de ce que l'on appelle pain. Si l'on parle de ce petit morceau tout doré, à la mie amoureuse, à la croûte qui craque sous la main et la dent, à la petite saveur acide, et aux belles bulles de tailles diverses, il va peut-être falloir déchanter: il faut beaucoup de temps et de matériel, pour arriver à un résultat pas toujours convaincant. Ca n'est pas pour rien qu'un bon boulanger est au fourneau à 4h du matin, que c'est un vrai artisan, et qu'à mon goût du moins, tous les pains de boulangers ne sont pas bons, loin de là.

Je vais donc essayer ici de parler de deux trois petites choses qui permettront de s'en sortir honnêtement à la maison, au niveau des ingrédients, du matériel, des astuces, et des recettes. Et je ferai des photos à la prochaine séance de pain maison.

Les ingrédients

  • La levure. Alors perso, je n'aime pas trop les pains (natures en tout cas) à la levure. Ca manque de goût ou ça sent le champignon, ça n'a pas ce petit aspect "piquant" du à l'acidité du seul ferment acceptable pour du pain: le levain . On en trouve en poudre en épicerie bio, mais le seul vrai levain se fabrique soi-même, ça prend plusieurs jours, voire mois, pour en avoir un acceptable, et c'est extrêmement sensible à la qualité des ingrédients, à la température, à l'humidité. Bref, voir le lien Chef Simon si on veut se faire du mal. Le levain en poudre est lui aussi plus sensible que la levure à la température du mélange, de la pièce, à l'humidité et aux courants d'air (voir plus bas dans le paragraphe matos à ce sujet). Au bilan: le levain bio avec un risque que ça ne lève pas du tout, ou sinon la levure "Saf-Instant" pour faire des pains à la maison. Le meilleur compromis goût/vitesse de levée/prix/facilité d'usage à mon avis. Mieux vaut ne pas utiliser de levure fraîche, au goût trop prononcé.
  • Le sel: pas grand chose à dire ici, si ce n'est qu'il ne faut pas mettre la levure en contact direct avec le sel, ça la brûle et rien ne monte à la fin. Il ne faut pas lésiner sur le sel, le pain non salé étant vraiment mauvais, je ne le sais que trop parce que je suis souvent parcimonieux sur le sel.
  • La farine: au moins de la type 55! Le type de la farine indique la quantité de matière minérale présente dans la farine. La 45 est la farine très blanche de patisserie, et plus on monte plus la farine est foncée, irrégulière, et forte en goût. Or dans le pain on cherche du goût, et de l'irrégularité (les petites bulles, les grosses, la croûte irrégulière, etc.). Donc on monte, et on n'hésite pas à prendre du 65 (demi-complète) ou plus, et c'est excellent pour le transit intestinal! Les petits cartésiens pourront faire l'expérience: un pain à la farine 45 est... mauvais. N'ayons pas peur des mots. Il ne sent que la levure, et on a déjà vu que ça n'était pas top.
  • L'eau. Oui, il en faut. En quantité à déterminer pour avoir "la bonne consistance". Je sais ça n'aide pas beaucoup, mais c'est ainsi, ça dépend beaucoup de la farine, de la température, etc. L'eau doit être tiède (40°) pour ne pas tuer les levures de chaud ni les engourdir. Quand on pétrit, ça doit faire une belle boule au début qui n'attache pas trop aux doigts, et à la fin du pétrissage ça doit être très collant, quand le gluten s'est développé.
Le matériel
  • Le plus important: le four. On peut se dire que faire du pain n'est pas si compliqué, et qu'un four perfectionné n'est pas nécessaire sachant qu'on faisait déjà de l'excellent pain quand Alessandro Volta n'en était qu'à rêvasser en regardant trembloter la flamme de sa bougie. Certes. Mais un four à bois est assez remarquable: il rayonne de tous les côtés homogènement (et la cuisson par rayonnement n'a rien à voir avec la cuisson par convection, au niveau du développement de la pâte, du craquant de la croûte, etc) à la différence de nos fours traditionnels qui rayonnent en haut ou en bas ou qui font tourner la chaleur, ce qui est à proscrire pour les pâtes à la levure naturelle. En plus, la combustion du bois (2C6H10O5+24O2->12CO2+10H2O, le bois contenant essentiellement des dérivés de la cellulose, polymère du glucose) dégage de la vapeur d'eau et de la chaleur, laquelle fait à son tour évaporer l'eau contenue dans le bois jamais tout à fait sec. La présence de vapeur d'eau dans l'air du four permet à la fois d'augmenter la capacité calorifique de l'air du four (et donc de lui permettre de mieux chauffer le pain) et de favoriser une réaction à la surface de la pâte qui crée cette belle croûte.
    Un four à pain idéal est donc un four à bois (il faut se le monter, se l'allumer, savoir le gérer pour ne pas faire du charbon, l'entretenir, avoir la place dans le cagibi...) ou un four qui produit de la vapeur CHAUDE (et ça coûte bonbon...), mais ça n'est pas aussi bon. C'est sans doute aussi moins cancérigène :p .
    Sinon, faute de grives... on peut toujours prendre un four classique, en fonction chaleur traditionnelle pour les multifonctions, si possible en mode "étuvé" c'est à dire que l'humidité ne doit pas sortir du four. Il est conseillé de mettre un petit plat allongé sous le pain en train de cuire (pour ne pas perturber l'équilibre thermique, il vaut mieux cette forme de plat, genre dessous de plat à cake) qui, rempli d'eau et chauffé en même temps que le four, libèrera de la vapeur pendant la cuisson.
    D'aucuns conseillent même de jeter de l'eau sur la sole (le dessous) du four quand on enfourne le pain, mais cela abime le four...
  • le robot pétrisseur: pas indispensable mais bien pratique, il permet de faire en dix minutes ce que l'on fait en une demi-heure au moins à la main: pétrir le pain. Il ne s'agit pas de seulement mélanger l'eau, la levure et la farine, mais de développer le gluten. En effet, quand on pétrit, on fait essentiellement deux choses: on plie et on étale. On allonge donc notablement les fibres de gluten, et on donne du corps à la pâte, ce qui va lui permettre d'emprisonner comme il se doit les bulles de gaz carbonique créées par la fermentation produite par les levures. La pâte en boule au début ressemble à la fin plus à un gros tas élastique. C'est parfait.
  • le torchon: alors là on va croire que je me moque, mais si on ne couvre pas la pâte comme il faut elle ne monte pas, et si on la couvre hermétiquement ça fermente trop et mal, ça condense, berk. On recouvre donc la pâte dans son saladier d'un bon vieux torchon en coton de mémé, et le tour est joué.
  • le coupe-pâte. Je parle ici d'un petit bout de tôle qui coupe bien. On peut aussi se servir si l'on n'en a pas d'un très grand couteau. On s'en sert pour découper la grosse boule en petits pâtons, car il ne faut surtout pas tirer sur la pâte pour la fendre, on perdrait tout le bénéfice du "repos", qui permet à la pâte de se détendre et de ne pas se rétracter à la cuisson.
  • le scalpel: l'outil adapté, très utilisé en décoration de frutis et légumes aussi, et qui permet de faire des petites incisions en quasi-toute sécurité juste à l'enfournement, sans écraser le pain qui monterait moins en cuisant. Vous savez, les petites rayures de la baguette ?
  • la machine à pain. J'ai désormais mon idée sur la question depuis que N'Touf a fait l'acquisition de ce remarquable outil pas du tout encombrant. Ou alors si peu. C'est très pratique, pas à dire. Ca fait quasiment tout tout seul, ça vous appelle pour dire de rajouter les petites décorations, ça fait les brioches et même la confiture. Par contre ça ne sait que travailler à la levure, la forme est prédéterminée, et, soyons honnête, deux petites pales en plastique ça ne fait pas le travail d'un bon boulanger (voir astuces...) On obtient donc de beaux pains calibrés, à la croûte fine et peu croustillante (mais craquante quand même hein, un peu...) et à la mie serrée (c'est à dire avec plein de petites bulles régulières). Hors de question donc de faire des petits pains, sauf à salir EN PLUS un saladier après la première pousse de la pâte, ce qui limite l'intérêt. En plus ça fait deux empreintes disgrâcieuses de pales dans le pain terminé. Pratique, économique par rapport à un robot pétrisseur, mais assez peu flexible. Je conseille donc à ceux qui veulent s'amuser sans trop se fouler, et qui ne veulent pas pétrir ou n'ont pas de robot pétrisseur.



Les recettes

Comme je l'ai évoqué précédemment, un pain nature maison c'est beaucoup d'efforts, de vaisselle et de temps pour un résultat pas toujours à la hauteur. Pour y voir un intérêt, il faut donc faire original: pains spéciaux, aux figues, à la farine très complète, au maïs avec un tiers de farine de maïs, au lard, aux oignons rissolés, aux Ôlives et au thym. J'ai personnellement un petit faible pour les petits pains aux noisettes fraîchement décortiquées avec un soupçon d'huile du même tonneau. Et lâchez-vous pour les formes: coeurs, boules, petites baguettes, mini-cakes, etc.

Les astuces

  • Les gestes essentiels:
    1. Pétrir: on écrase des deux mains, on écarte, on ramène en roulant un peu, on tourne d'un quart de tour, on continue.
    2. Souffler: à faire régulièrement pendant le pétrissage, notamment avant les deuxième et troisième pousse s'il y a lieu. On étale la pâte, puis on la soulève par en dessous en mettant les doigts vers le centre. La pâte va retomber sur nos mains, on en profite pour la refermer par le bas en emprisonnant une grosse bulle d'air dedans. On colmate et on repétrit.
    3. Fraser (ou fraiser): à faire avant de laisser reposer: on tient la boule d'une main, de l'autre on étale la pâte en la déchirant le plus loin possible, puis on ramène avec la main qui a étalé en roulant la pâte sur elle même. On refait une à deux fois et on façonne la boule pour le repos.
    4. Pointer: entre deux pousses, écraser la pâte du plat de la main pour chasser le gaz carbonique et permettre une nouvelle multiplication des levures
    5. Façonner: après la deuxième pousse, faire des petites boules, des baguettes, couronnes, etc. et laisser lever une dernière fois. Pour des baguettes, l'idéal est de laisser lever dans des bannetons, des petits paniers en osier recouvert de toile.
    6. Inciser, avec le scalpel, sur un petit centimètre de profondeur à peine.

  • Le petit plat pour humidifier l'air du four, comme précédemment décrit
  • L'enduction de la croûte avant incision avec de l'eau tiède. Attention, il faut être très leger avec le pinceau pour ne pas faire retomber la pâte
  • Toujours laisser refroidir un pain avant de l'entamer, pour laisser l'humidité du pain s'y emprisonner.
Voilà Véro, tu trouveras plein de sites sur le pain, et plein de bouquins. J'espère que tu trouves ici un petit résumé! A bientôt pour les sauces...

4 commentaires:

Niko a dit…

Pfiouuu c'est verbeux comme post :p

Unknown a dit…

Peut-être que c'est verbeux... Je m'en fout, ça a le mérite de répondre à mes questions et vitesse grand V. Donc Merci m'sieur.
J'attends les photos avec impatience maintenant et tes autres posts aussi d'ailleurs ;o)
Interessant le précuit !! Et les assiettes du marché un régal pour les yeux et sûrement pour l'estomac.
A bientôt

Unknown a dit…

Tiens, je vais me faire "posteur" officiel de commentaires sur ton blog :P
Qu'en penses-tu?

Niko a dit…

Ca marche! Et fais circuler, pendant que tu y es :p